Perspectives coniques ou axonométriques, qu’impliquent-elles ? – par Louise Garnier

La modernité implique un grand nombre de créations contemporaines hétéroclites. Notamment, de nouveaux modes de résolution urbaine sont pensés. Une nouvelle organisation de la ville, de la rue, du quartier et de l’habitation est alors mise en image. Comment ces images montrent-elles la ville ? De quelles manière les créateurs ont-ils utilisé la perspective pour mettre en image ces nouvelles métropoles ? Quelle perception du spectateur cela engendre-t-il ?

Le mouvement De Stijl a donné à voir des images de villes monumentales, expansives. Pour représenter ces villes au potentiel infini, les créateurs ont d’abord utilisé une perspective conique, où un point de fuite est associé à chaque direction de l’espace. Dans cette perspective il existe aussi un point de fuite principal appuyant la direction du regard. La perspective conique est le mode de représentation du monde environnant qui imite le mieux celui d’une photographie. La découverte des règles qui en gouvernent l’élaboration a été faite en Italie au Quattrocento et a ouvert la voie à la Renaissance artistique. On peut voir un exemple de perspective conique avec La Cité idéale de Piero della Francesca.

Piero della Francesca, La Cité idéale, 1475

Piero della Francesca, La Cité idéale, 1475

Ainsi, les rapports de distances métriques ne sont pas conservés. Autrement dit, si deux distances sont égales en réalité, elles ne le sont que rarement sur la perspective.

Cette perspective permet au spectateur de comprendre l’espace depuis son point de vue, comme s’il était dans le tableau, dans le dessin. Yona Friedman a, lui aussi, utilisé la perspective conique dans ses dessins comme dans ceux de sa Cité spatiale datant de 1958. Ici, on remarque bien que le dessin indique une profondeur comparable à celle que l’oeil peut voir dans la réalité.

Yona Friedman, Cité spatiale, 1958

Yona Friedman, Cité spatiale, 1958

Yona Friedman, Cité spatiale, 1958

Yona Friedman, Cité spatiale, 1958

Mais revenons au mouvement De Stijl. Aurélien Lemonier, lors du colloque « De Stijl, une avant-garde du XXe siècle », en 2011, au Centre Pompidou, nous apprend qu’à la fin du mouvement, la perspective conique a été remplacée par la perspective axonométrique. Cette perspective, autrement appelée perspective parallèle, cylindrique ou cavalière ne donne pas l’illusion de ce qui peut être vu. Ce procédé offre l’avantage de représenter les trois dimensions d’un objet ou d’un édifice en conservant les proportions. C’est à dire qu’aucune dimension n’est réduite avec l’éloignement. Quand Theo van Doesburg utilise, en 1923, cette technique pour représenter un hôtel particulier, il montre un dessin dans lequel le spectateur n’est pas inclu. L’image est montrée comme étant pour tous, peu importe où l’on se situe.

Theo van Doesburg et Cornelis van Eesteren, Hotel Particulier, 1923, & Counter-construction, 1924

La perspective axonométrique met en relation des objets architecturaux tandis que la perspective conique montre un programme architectural. Cela crée une différence entre les images axonométrique, qui mettent l’accent sur l’objet et sur sa forme, et entre les images coniques qui mettent l’accent sur la vision que l’on peut avoir d’un objet. La question que met en jeu la perspective n’est alors pas une simple question de point de vue, c’est surtout une question d’un choix; celui de savoir si l’on choisit de porter l’attention sur l’objet ou si l’on choisit de la porter sur les relations qu’ils peuvent avoir avec nous.

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