Est- ce que les Fablab permettent une création sans contrainte ? Quelles sont les limites de cette liberté apparente ? – par Kilian Berland

Les Fablab mettent à disposition des machines-outils qui permettent de mettre en forme différents matériaux. Les équipements varient selon les endroits mais ils partagent des outils communs : imprimante 3D, découpeuse laser, machine à coudre, découpeuse vinyle, fraiseuse numérique, etc.

 
Les Fablab ne mettent à disposition qu’une sélection d’outils parmi un ensemble de possibilité, il y a un formatage dans le choix des moyens de mise en œuvre. La découpeuse laser, par exemple, donne forme à des objets à partir d’un travail en plan, les pièces découpées dans un médium sont ensuite assemblées comme des éléments de structure. Il y a une liberté dans le tracé, mais les modèles produits avec cet outil ont une esthétique commune. Seule l’imprimante 3D suggère une liberté de forme, mais l’adaptabilité de ce procédé technique dans les Fablab ne permet pas de produire des objets de grande envergure comme l’autorise l’industrie. Les essais sont cantonnés à l’échelle de petites pièces. Nous sommes davantage dans la production de pièce pour repousser l’obsolescence de nos objets usagés, plus que dans une production réelle.

La sélection d’outils proposée par les Fablab modifie les rapports que nous avons avec les procédés techniques, nous ne sommes plus face à un éventail infini de possibilités. Nous avons différents moyens de mise en œuvre à travers lesquels l’apprentissage d’un savoir-faire réapparaît. Car ces ateliers sont fondés sur des principes d’échange, pour profiter des différentes machines il est nécessaire de transmettre ses connaissances et accompagner un nouvel utilisateur dans l’apprentissage de l’outil. On retrouve de nombreuses similitudes avec l’artisanat, l’utilisateur peut acquérir un savoir à travers une observation et une manipulation de la machine afin de connaître ses contraintes et les exigences liées à son utilisation. Ce contexte permet de retrouver une proximité avec la matière, il n’y a plus de séparation entre le lieu de conception et le lieu de fabrication. Il est directement possible d’expérimenter et de créer avec les outils.

La liberté ne réside peut-être pas dans les formes produites ; mais davantage dans le processus de fabrication de ses objets.

Les Fablab sont fondés sur différentes promesses : réapprendre par la pratique, développer le partage de compétences, penser la production locale, participer aux innovations techniques, et s’émanciper en passant d’un statut de consommateur à celui de producteur.

Malgré les moyens mises en œuvre, il y un écart entre l’utopie véhiculée par ces lieux et la réalité. L’utilisation des machines est encore restreinte à un ensemble d’individus : étudiants, professionnels, passionnés ayant des besoins précis. Le grand public n’investit pas encore les lieux, car la communication autour des projets est très pauvre. Il est aujourd’hui difficile de citer un projet réalisé dans le cadre de ces ateliers. Ce ne sont pas les mêmes rapports qu’avec l’industrie, le public est plus intéressé par la pratique que par la production d’un objet fini : l’apprentissage d’un savoir-faire.

Face à ce constat, les Fablab sont loin d’être une réelle alternative à l’industrie, les pièces produites concernent une minorité de personnes et leur qualité de fabrication n’est pas comparable. Cependant ce sont des fenêtres ouvertes sur les innovations de demain, nous ne sommes plus face à des possibilités techniques que l’on peine à visualiser, nous avons une lisibilité par la pratique de certaines évolutions techniques.

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